Arènes d’Arles

Emmanuel Soland

La meule à sons

Art

Nous sommes les pierres des Arènes, pierres du Midi, pierres de Provence encore chaudes de l’été qui s’étire comme un chat au soleil. Nous sommes les pierres des Arènes et toi, passant, viens, écoute. Écoute-nous. Écoute notre cœur, un cœur de pierre et de grelots, de vent et de coups de cornes. Ne nous crois pas endormies dans la stridence d’un ciel tout tendu de bleu. Au sortir des carrières, tirées, roulées, tractées à travers la plaine, nous portons encore en nous l’odeur du foin coupé, le tranchant du couteau et le regard tendre des étoiles. Vigies perchées au-dessus des siècles, on nous dit vieilles de deux milles ans. C’est trop peu. Nous venons de bien plus loin, de plus profond. L’océan rugit sur nous, les vagues frappent et nous déforment, nos entrailles s’écoulent, eau claire ou écume, filtre magique qui appelle les Métamorphoses, vols d’oies sauvages ou de flamands roses, cordes tendues à l’arc des pins et des figuiers. En nous dort un Minotaure. Entend ce monde enclos qui nous traverse et fait la ronde et puis s’en va aux douze coups de midi. Entend la voix des pierres qui est celle des bêtes et des plantes, du cru et du cuit, cette voix qui perdure quand tout est fini sauf l’écho et le grésillement des insectes. Qu’apprendras-tu des pierres, passant qui tend l’oreille ? Écoute, le monde sauvage ancien qui passe, de porche en porche, de voute en voute, en une longue procession ralentie. Viens, passant, écoute son sillage. 

Anne Kerlan, écrit pour Emmanuel Soland.

Du jeudi 30 septembre au dimanche 3 octobre.